- Retour
-
Zététique
Coup Critique
“ La Zététique n'est rien d'autre que la méthode scientifique, mais appliquée à des champs de connaissance soulevant une telle charge affective qu'elle nécessite d'intégrer les impasses intellectuelles et les biais cognitifs relevant de la croyance, de l'adhésion ou de l'engagement. „
— « Pour une didactique de l'esprit critique », Richard Monvoisin (2007)
Qu'est-ce que la méthode Zététique ?
La méthode Zététique est un outil permettant d'exercer son esprit critique en se basant sur le doute méthodique et permettant de faire un tri éclairé entre les informations vraisemblables et les informations faussement vraies. Cet outil ne sert pas à avoir absolument raison, mais à s'apercevoir quand on se trompe de manière à pouvoir constamment réviser ses jugements en toute connaissance de cause. Historiquement, cet outil a été affiné pour prouver ou réfuter des phénomènes paranormaux ou des pseudo-sciences par la mise en place de protocoles scientifiques et la recherche systémique de l'erreur.
Savoir si une information est vraie ou non est difficile. Avec Internet l'information est partout et rapidement accessible. Mais elle est souvent partiale, biaisée et rarement sourcée. Dans ces conditions, tout et n'importe quoi peut être avancé et être tenu pour vrai. L'utilisation de la méthode Zététique vous permet de vous créer une cartographie mentale au plus près de l'état des connaissances actuelles ou de la vraisemblance d'un fait exposé, aux regards des preuves existantes. Cela vous permet de vous rendre compte de ce qui est une connaissance (ce que l'on sait) de ce qui est une croyance (ce que vous croyez que l'on sait).
Bien que cette méthode dans son sens large soit souvent enseignée pour de l'autodéfense intellectuelle qui rajoute une part de prescriptif à son utilisation, Zététique et autodéfense intellectuelle ne sont pas exactement la même chose même si ici nous les confondrons dans notre description.
Hygiene MentaleLes axiomes de base
1. La Zététique, c'est pas automatique
S'il n'y a pas de raison dangereuse de douter d'une affirmation non vérifiée, on peut la tenir pour vraisemblable en gardant à l'esprit que c'est une information non vérifiée ; c'est à dire une croyance au sens large. On utilise pour cela une manière intuitive et rapide de penser. C'est quand d'autres affirmations dangereuses s'appuient sur ces affirmations non vérifiées qu'il devient obligatoire de les passer sous un regard critique et de s'assurer que c'est un savoir. Il faut alors utiliser une méthode de pensée plus analytique : c'est ici qu'intervient la méthode Zététique.
Hygiene Mentale2. La charge de la preuve
On peut prouver que quelque chose existe, que quelque chose est vraisemblable, s'il on peut l'observer, le mesurer et si l'on peut reproduire les observations et mesures. On peut plus difficilement (voir pas) prouver que quelque chose n'existe pas, c.-à-d. l'inexistence de quelque chose. C'est pourquoi il revient à celui qui affirme l'existance d'apporter la preuve de son affirmation. Dans le cas contraire on est face à une inversion de la charge de la preuve. On ne peut pas non plus prouver que quelque chose est vraisemblable s'il peut être expliqué par une chose et son contraire. C'est pourquoi chaque théorie doit avoir des critères de réfutabilités.
Hygiene Mentale3. Les preuves ne se valent pas toutes
Le niveau de vraisemblance que l'on donne à une affirmation doit être en adéquation avec le niveau de preuves apportées à cette affirmation. Aussi, une affirmation extraordinaire demande des preuves plus qu'ordinaires selon le principe de Sagan ou encore ce qui est affirmé sans preuve, peut être rejeté sans preuve selon le rasoir de Hitchens. Mais toutes les preuves ne se valent pas :
- dans les non-preuves (qui n'offrent aucunes raisons de croire) on trouve : le bon sens, l'opinion, la rumeur, la sagesse populaire ainsi que les préjugés.
- dans les preuves insuffisantes (qui souffre des biais cognitifs humains) on trouve : les témoignages et les anecdotes rapportés ou personnels ainsi que l'expertise auto-proclamée.
- dans les preuves faibles (raisonnements justes, hypothèses logiques) on trouve : l'expertise reconnue par les pairs, l'études scientifique ou l'étude statistique avec échantillon faible ou non représentatif.
Il convient d'ailleur plutôt de classer les preuves précédentes comme des indices, plutôt que des preuves. À partir de là, l'échelle des preuves en tant que telle débute.
- dans les preuves sérieuses (testables, contrôlables, reproductibles) on trouve : l'étude scientifique contrôlée, randomisée, en double aveugle, contre placebo ou l'étude statistique avec échantillon représentatif.
- dans les preuves faisant consensus (plus haut niveau de preuve) on trouve : les réplications et les méta-analyses d'études scientifiques.
- dans les preuves absolues : on a rien. Une preuve est seulement vraie jusqu'à meilleure preuve du contraire.
Hygiene Mentale4. Rien n'est absolument vrai
On peut trouver des preuves se rapprochant toujours plus de la réalité ou s'éloignant toujours plus de l'incertitude. Notre cerveau est faillible et très mal équipé pour supporter l'incertitude, il aime avoir raison : il rationalise. Rationaliser permet, après coup, de façonner une justification en apparence crédible afin de s'éviter un conflit cognitif mais nous empêche de savoir. Avouer qu'on s'est finalement trompé parce qu'on n'en sait pas assez permet également de résoudre ce conflit tout en nous mettant à l'abris, au mieux, d'un biais de confirmation et, au pire, d'un préjugé. Pour savoir sans rationaliser, il faut chercher à prouver l'inverse de ce que l'on cherche en s'appuyant sur des preuves solides. Ce n'est qu'en échouant suffisamment longtemps à prouver que l'on a tord que l'on peut envisager avoir raison… jusqu'à preuve du contraire.
Hygiene Mentale5. L'alternative est féconde
Il ne faut pas se satisfaire de la première affirmation venue sous prétexte qu'elle n'entre pas en conflit avec une connaissance ou une croyance. Si quelque chose d'inconnu peut-être expliqué par des moyens connus moins coûteux, alors il n'y a pas de raison d'ajouter des entités supplémentaires pour l'expliquer. C'est le principe du rasoir d'Ockham. L'explication la plus simple (la moins mystérieuse) n'est pas celle qui est la plus facile à comprendre, mais celle qui met en jeu le moins de mécanismes (qui sont connus, même complexe) pour expliquer un phénomène.
Hygiene Mentale6. Avoir raison, pour de mauvaises raisons.
Pour être sûr d'avoir raison pour de bonne raison, il est important de savoir en premier lieu faire la différence entre une opinion et un fait. Un fait permet la concertation, il est soit vérifiable, soit inexistant. Une opinion doit s'appuyer sur une collection de fait et une argumentation valide et logique les liants entre eux, sinon, on dit de ses arguments qu'ils sont fallacieux ou de l'opinion qu'elle est infondée. Les appels à l'autorité, à la popularité, à l'exotisme, à la nature, à l'ancienneté ou encore à l'émotion sont autant d'arguments rhéthoriques invalides courants. C'est pourquoi il faut entraîner son raisonnement logique et analytique ainsi que se prémunir de nos biais cognitifs comme le biais de confirmation ou le biais d'attrition, la mauvaise perception du hasard, la tendance à rationaliser etc. afin de ne pas confondre : fait et intuition, corrélation et causalité, syllogisme et paralogisme, déduction et induction ou encore quelque chose de faux de quelque chose de vraisemblable.
Hygiene Mentale7. Si je ne sais pas, je n'ai pas de raison de croire
L'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence. Si je ne sais pas, je n'ai pas de raison de croire. Ce n'est pas parce qu'on ne croit pas en quelque chose que cette chose existe ou n'existe pas, que cette chose est vrai ou non. Ne pas croire en quelque chose ne veut pas non plus dire qu'on croit que cette chose n'existe pas : on ne croit pas. Sans preuves valides, on ne sait pas, on n'a pas de raison de croire.
- Si on décide de croire, malgré l'absence de preuve : c'est de la foi. On décide de croire en sachant qu'on ne sait pas. La foi est en dehors du périmètre de la Zététique. Croyance et science ne sont pas exclusif. L'acte de foi n'a pas besoin de justification et donc ne doit pas s'appuyer sur des connaissances pour se justifier. Il ne peut dans ce cas ni être tenu pour vrai, ni être tenu pour faux. C'est une opinion sans fondements.
- Si on décide de ne pas croire, malgré la présence de preuve : c'est du déni. On décide de ne pas croire alors que cela est démontré. Ceci peut mener à des comportements complotistes (attribuer au hasard un dessin caché) ou scientistes (faire dire à la science ce qu'elle ne dit pas) et au pire à vous mettre en danger ou à mettre en danger les autres avec des comportements antimédecines. C'est une opinion négationiste.
À noter que la foi ou le déni peuvent avoir différentes origines. Les émotions peuvent en être la source et la défense d'un système de valeur la motivation à les entretenir. Bien souvent d'ailleurs, ce qui motive à tenir une croyance pour vraie n'est pas rationnellement réfléchi ou consciemment connu.
Hygiene Mentale8. La suspension de jugement
Quand on ne sait pas, on ne croit pas, nous sommes invité alors à suspendre notre jugement. Cela n'interdit pas pour autant de prendre parti en se basant sur ce que l'on sait, mais nous invite à ne pas nous prononcer de manière certaine sur ce que l'on ne sait pas. Cela ne nous interdit pas non plus d'avoir diverses hypothèses concurrentes pour expliquer ce que l'on ne sait pas, mais que l'impossibilité d'en dégager une par rapport aux autres doit nous forcer à suspendre nos conclusions. La suspension de jugement (passer en mode analytique) intervient surtout lorsque l'on souhaite en apprendre plus ou réviser son jugement sur ce que l'on sait. Il faut évacuer tous préjugés ou à-prioris avant d'étudier le plus objectivement possible un sujet en se basant uniquement sur les faits. Ce n'est qu'une fois se travail terminé, avec les conclusions en main, que l'on peut classer une information comme étant vraisemblable ou fausse et avoir de nouveau une opinion (repasser en mode intuitif).
Hygiene Mentale9. Le degré de certitude
Les connaissances étant relatives et non absolues, elles sont vraisemblables jusqu'à meilleures preuves du contraire. Aussi il n'est pas rare de changer en partie ce qui valide une connaissance par des meilleures validation de cette connaissance (une meilleure théorie par exemple). Une information ponctuelle n'allant pas dans le sens d'une connaissance (si tentait qu'elle soit solide) ne remet pas nécessairement en cause cette connaissance établie, mais le degré de certitude à propos de cette connaissance (les angles mort qu'une théorie n'explique pas par exemple). Le périmètre de validité de la connaissance peut alors varier : la connaissance est incomplète ou son champ d'application est à redéfinir. Une connaissance peut être pondérée. De même une croyance peut devenir une connaissance si assez de preuves solides le permettent. Ainsi, un contre-exemple isolé ne remet pas nécessairement en cause une connaissance faisant consensus mais peut nous inviter à complétion ou à vérification des biais possibles.
EBBH10. Z'êtes Éthique ?
La Zététique est descriptive et non prescriptive. Descriptif signifie qu'elle sert à savoir si un fait est vraisemblable ou non, si un argument est valide ou non, si un discours est fallacieux ou non, si une information est solidement sourcée ou non. Non prescriptif signifie aussi que c'est a chacun, en connaissance de cause, de décider si finalement il souhaite croire ou non à quelque chose. Savoir en connaissance de cause est le seul engagement intrinsèque de la Zététique et cela s'arrête ici. Imposer ou tromper les gens en se servant de croyance est t-il plus éthique que d'imposer ou désillusionner les gens en se servant des connaissances ? C'est une question hors du périmètre de la Zététique.
L'autodéfense intellectuelle (utiliser la Zététique dans des débats), l'épistémologie de rue (faire prendre conscience en douceur de l'irrationalité des gens), le bayésianisme (penser que tout est croyance et les ranger de manières à estimer que certaines opinions sont plus plausibles que d'autres) ou encore s'appuyer sur les sciences plutôt que de les ignorer pour la prise de décision (plus ou moins le fonctionnement de notre société) sont autant d'idéologie qui fonctionne avec l'utilisation de la méthode Zététique mais qui ne sont pas la méthode Zététique. Si je dis « on doit s'attaquer à l'idée, pas à la personne », ce n'est pas de la Zététique, c'est une idéologie bienveillante basée sur la méthode Zététique.
Bruno J. S. LesieurAutodéfense ou contre-attaque intellectuelle
L'un des revers de la méthode Zététique est qu'elle va vous sembler si logique, fiable et pleine de bon sens que vous n'allez pas nécessairement comprendre pourquoi elle n'apparaît pas si clairement évidente à des personnes dont les croyances actuelles sur l'acquisition des connaissances ne leurs permettent pas d'intégrer aussi simplement la pertinence que vous attribuerez à cet outil.
La réactance
Il est très important de ne pas transformer l'autodéfense intellectuelle en contre-attaque intellectuelle. Plus la pensée critique vous apparaîtra familière et simple, plus vous pourriez avoir tendance —sans vous en rendre compte— à imposer votre méthode d'acquisition de connaissance sans prendre la peine de comprendre quelles seraient les motivations et la valeur ajoutée pour votre interlocuteur d'intégrer votre argumentation. La justesse d'une connaissance n'est pas nécessairement —à court terme— une source de bonheur pour tous.
À cause de la réactance naturelle que nous éprouvons envers des arguments qui mettent en péril les idées qui nous apportent une satisfaction cognitive, l'interlocuteur ne vous verra pas comme quelqu'un essayant de l'aider —à long terme— et vous prendra pour un ennemi.
Là ou le bat blesse, c'est que vous pourriez adopter le même comportement que lui pour défendre votre vision de la bonne manière d'acquérir et de réfléchir sur vos connaissances sans même vous en rendre compte.
Les 10 commandements du sceptique
Voici donc quelques postures de bienveillance à suivre si vous souhaitez aller au delà de l'autodéfense intellectuelle.
Igor ThiriezPour aller plus loin
Tout au long de cette description je vous ai présenté la méthode à travers un prisme de bienveillance en disant des choses comme « la Zététique nous invite », « il faut », etc. Tout ceci sont des comportements facilités par la méthode Zététique mais ne sont pas la méthode en elle-même. Pour bien faire la différence, je vous propose le premier lien de la liste ci-après. N'hésitez pas à consulter les autres !
- Il ne faudrait pas confondre ce qu'est la méthode Zététique avec des idéologies qui l'utilisent comme l'autodéfense intellectuelle.
- Il ne faudrait pas confondre une croyance au sens d'idée avec la catégorie croyance de la méthode Zététique.
- Il ne faudrait pas confondre ce qu'est la méthode Zététique avec ses utilités comme être rationnel.
Informatique et Zététique
Nous souffrons des mêmes biais cognitifs quelque soit le domaine d'étude et les disciplines. Rien n'est donc exemptes d'approximation gênante, légendes ou encore contres-vérités. Quelques exemples dans les domaines IT :
Exemple en sécurité
Les bonnes pratiques des mots de passe on été mises en place par Bill Burr, expert autoproclamé en sécurité de mot de passe par sa société. Celui-ci avoue en 2017, à 72 ans, sa non expertise dans ce domaine après 14 ans.
xkcdVoici une image expliquant simplement en quoi les recommandation de Bill Burr étaient probablement infondées.
Comment est-ce possible ?
Une grande majorité a suivi ses recommandations sans en connaître la source et sans jamais se poser la question de la pertinence. Pourtant d'autres experts un peu plus critique ont vu le problème depuis au moins 2006 mais se sont vu balayé par l'Argument d'autorité du NIST. Ce n'est pas parce qu'une autorité clame quelque chose que les preuves des experts démontrant l'inexactitude de cette chose ne sont pas recevable.
Source
- Bill Burr, l'auteur du Digital Identity Guidelines fournit par le NIST avoue avoir trompé tout le monde, faute d'expérience.
- Paul Grassi à mis à jour le Digital Identity Guidelines fournit par le NIST
- Image observant la supercherie datant de 2006
TP en JavaScript
« Eval is Evil » est quelque chose de connu des experts JavaScript. « La bonne pratique » veut qu'on utilise jamais eval.
- D'où vient cette idée ?
- Pourquoi cette idée ?
- Cette idée est elle vrai(ssemblale)
- Quels faits et opinions dégager de cette idée ?
Bonne recherches !